Voici quelques éléments de notre recherche :
Pfizer et BioNTech ont pour l’instant livré au seul État suédois neuf fois plus de doses de vaccin qu’à tous les pays à faible revenu réunis – auxquels ces laboratoires ont alloué moins de 1 % de leur production à ce jour. Grâce au prix élevé auquel ils vendent leur vaccin, ils devraient engranger plus de 86 milliards de recettes d’ici à la fin de 2022.
Moderna n’a pas encore livré une seule dose de vaccin à un pays à faible revenu, a alloué seulement 12 % de sa production à des pays à revenu intermédiaire, et n’honorera pas la grande majorité de ses commandes destinées à COVAX avant 2022. Grâce à ses tarifs élevés, cette société devrait gagner plus de 47 milliards de dollars américains d’ici fin 2022.
Johnson & Johnson a mis au point le seul vaccin à injection unique du monde et le vend à prix coûtant, mais n’honorera pas la plupart de ses engagements de livraison à COVAX et à l’Union africaine avant 2022. Ce laboratoire a par ailleurs refusé d’accorder une licence à un fabricant canadien qui proposait de produire des millions de doses supplémentaires.
AstraZeneca est le laboratoire qui a livré le plus de doses de vaccin à des pays à faible revenu. Il vend son vaccin à prix coûtant et a accordé des licences volontaires à d’autres fabricants. En revanche, il a refusé de partager ouvertement son savoir-faire et sa technologie avec les initiatives mises en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et il s’est opposé à la dérogation à l’Accord sur les ADPIC.
Novavax n’a pas encore obtenu l’autorisation d’utilisation de son vaccin, mais il prévoit pour l’instant de livrer près des deux tiers de sa production au dispositif COVAX. Cependant, comme les autres, il a refusé tout partage de savoir-faire et de technologie et s’est opposé à la dérogation à l’Accord sur les ADPIC.
En dépit des milliards de dollars de financement public et de précommandes gouvernementales qu’ils ont reçus, les laboratoires qui ont conçu les vaccins ont conservé leur monopole sur la propriété intellectuelle, bloqué les transferts de technologie et exercé de très fortes pressions pour entraver les mesures visant à étendre la fabrication de ces vaccins à l’échelle mondiale. Par leurs manquements persistants, ils ont causé des atteintes aux droits humains, subies par les milliards de personnes qui n’ont toujours pas accès au vaccin vital contre le Covid-19.
Pays riches contre Pays pauvres
Le seul moyen de sortir de cette crise est de vacciner toute la population de la planète. Nous devrions être en train de saluer comme des héros ces laboratoires qui ont mis au point des vaccins si rapidement. Or, le blocage intentionnel des transferts de technologie par la Big Pharma et ses manœuvres commerciales à l’avantage des pays riches ont créé une pénurie de vaccins hautement prévisible et extrêmement dévastatrice pour tant d’autres personnes.
En conséquence, certaines régions d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie doivent faire face à de nouvelles flambées du virus, qui acculent au bord du gouffre des systèmes de santé affaiblis et provoquent chaque semaine des dizaines de milliers de morts évitables. Dans beaucoup de pays à faible revenu, même les soignants et les personnes à risque ne sont pas vaccinés. Dans les pays à faible revenu, moins de 1 % de la population est entièrement vaccinée contre 55 % dans les pays riches.
Sur fond de telles inégalités, les entreprises BioNTech, Moderna et Pfizer s’apprêtent à engranger à elles seules 130 milliards de recettes d’ici à la fin 2022. L’intérêt financier passe avant l’intérêt humain.
Notre ultimatum : 100 jours pour rattraper le retard
Ce 22 septembre, nous sommes à 100 jours de la fin de l’année. Nous demandons aux États de redistribuer de toute urgence les centaines de millions de doses actuellement inutilisées aux pays à faible revenu.
Nous demandons aux laboratoires, qui ont élaboré les vaccins, de veiller à ce qu’au moins 50 % des doses produites aillent à ces pays. Pour un déploiement rapide et équitable, ces laboratoires doivent livrer en priorité les pays qui en ont le plus besoin en se fondant sur des considérations relatives aux droits humains. Elles doivent aussi suspendre leurs droits de propriété intellectuelle, partager leur savoir-faire et leur technologie et former des fabricants qualifiés, afin d’accélérer la production de vaccins contre le Covid-19.
RAPPORT :
DOUBLE DOSE D’INÉGALITÉ
LES LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES ET LA CRISE DES VACCINS CONTRE LE COVID–19
SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS
https://amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr/cea62aa7-ba36-4bea-b3ef-0efba4215823_POL_40_4704_2021_DoubleDoseOfInequality_ExecSum_Recom_ext_FR.pdf