Chauffage Urbain : Projet  Réseau de Chaleur Urbain dénommé : RCU St Jacques +  (Réseau de Chaleur Urbaine Saint-Jacques +)

Contexte et quelques explications sur les décisions de Clermont Auvergne Métropole

Ce projet s’inscrit dans le Schéma de Transition Energétique et Ecologique -STEE- (Urb-En Pact) validé le 15 février 2019 par le Conseil métropolitain. Ce schéma fixe comme objectif de devenir territoire à énergie positive d’ici 2050, en réduisant de moitié de la consommation d’énergie sur le territoire métropolitain par rapport à 2015 et en couvrant les  besoins résiduels par des énergies renouvelables locales (géothermie, solaire, éolien…).

Concession de service public pour la création et l’exploitation du réseau de chaleur « Saint-Jacques+ », 28 juin 2019.

(ce débat est abordé à partir de  6h39’ jusqu’à 7h06’)

Déliberation_CAM_concernant la SEMOP St Jacques du_28 juin 2019-1

Le 28 juin 2019, le conseil communautaire CAM a voté pour 23 Millions HT la concession  de service public  pour la création et  l’exploitation  de chaleur « SAINT-JACQUES+ » qui repose sur le principe d’une délégation de service public confié à une Société d’Economie Mixte à OPération unique (SEMOP). https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_d%27%C3%A9conomie_mixte

 

Au-delà de ce vote en apparence « technique » qui adopte un mode de dévolution, il est essentiel de savoir que derrière est prévu un projet d’une importance majeure. Majeure d’un point de vue financier (bien au-delà de 23 millions), environnemental (le choix retenu est-il le plus opportun), social (quel impact financier pour les contribuables et pour les usagers -en particulier pour les occupants de logements sociaux). Donc, tentons d’y voir plus clair.

Derrière l’adoption de la SEMOP, il y a un énorme projet de réseau de chaleur urbaine à partir de l’incinérateur.

 

Quelques précisions.

Le coût de la réalisation du réseau est présenté dans une fourchette de 115 à 300 millions d’€

Ce projet s’inscrit  donc dans le plan (établi en août 2018 et voté par le conseil communautaire CAM le 15 février 2019) STEE (Schéma de Transition Energétique et Ecologique). Mais il faut noter que si le travail mené dans le cadre de ce schéma est très dense, les aspects financiers liés aux investissements, aux retours sur investissements, aux impacts monétaires pour les habitants et contribuables, ne sont pas abordés. Et, bien entendu, aucune comparaison entre les pistes étudiées n’est chiffrée, ni chiffrable.

 

Concrètement, De quoi s’agit-il ?

Vers le site d’enfouissement de « Puy Long », le Pôle VERNEA (BEAULIEU) incinère jusqu’à 160 000 tonnes de déchets par an.

L’idée est de récupérer « La Chaleur Fatale » (Chaleur résiduelle issue du  procédé de destruction des déchets et non utilisée).

Aujourd’hui une partie sert à produire de l’électricité, il est envisagé pour demain de produire du chauffage/eau chaude.

Rappel : Le projet porté par le VALTOM de l’incinérateur fut décrié en son temps par un pan important de la population et par les professionnels de santé, sa position géographique (près de la Métropole Clermontoise située dans une cuvette) accentuant les risques de pollutions de proximité

Pour qui ?

L’idée est de produire le chauffage pour l’équivalent de 7 500 logements,  pour Fontaine du Bac, Saint Jacques (HLM), les Facs, CROUS, le CHU, des établissements de la ville Clermont Fd, du Conseil Départemental, possiblement une partie de Beaumont… et peut-être à terme, Lempdes et Cournon.

Incertitudes et Questionnements

On vient de présenter la nature du projet et de lister les intéressés potentiels. Il n’empêche que les incertitudes et questionnements concrets sont multiples.  Tentons d’y voir plus clair

L’idée d’utiliser les pertes induites par le fonctionnement du «monstrueux » incinérateur n’est pas sans intérêt  dans la mesure où elle générerait une amélioration pour l’environnement et le climat et qu’elle ne grèverait pas les finances publiques et des particuliers (surtout des plus défavorisés).

 Mais plusieurs interrogations sont sans réponse…. En vrac (et sans être exhaustif)

Le lieu : Pour être rentable il faut un lieu de production au plus près et un tissu d’habitat dense.  Or, même si le nom est bucolique, Beaulieu est éloigné d’au moins 5 km du premier « client » desservi auxquels il faut rajouter au moins 8 km pour la desserte des immeubles envisagés.

wikipedia

Il faut savoir que les textes  en vigueur imposent une chaufferie supplémentaire (prévue sur les Cézeaux). Dans ce contexte, la réalisation d’infrastructures « gigantesques » n’est pas nulle en termes de coûts directs mais également environnementaux. Ce paramètre ne semble pas avoir fait l’objet d’une évaluation.

Les utilisateurs potentiels : Aujourd’hui, tous les futurs potentiels clients  ont leurs propres installations et pour certains  elles sont neuves ou ont été déjà remplacées, ce qui implique des coûts d’investissements (emprunts …), en sus de ceux déjà réalisés.

Est-on certain que techniquement l’offre à tous les établissements publics du type CHU, J. PERRIN sera  compatible ? Rien n’est assuré dans le dossier présenté.

La Métropole peut (la loi le permet) imposer aux nouvelles constructions d’adhérer au projet mais … électoralement parlant … le Président et les autres élus franchiront -ils le pas ?.

Bref, le périmètre est largement méconnu et ce flou n’est guère rassurant.

L’absence de comparaisons sur les techniques de production d’énergie locale : ni dans le dossier sur le projet Saint-Jacques +, ni dans le STEE (voté en février 2019) ne figurent de données chiffrées satisfaisantes. Ainsi, impossible d’établir un comparatif entre diverses techniques de production d’énergie locale (par exemple entre photovoltaïque, solaire, et le projet St-Jacques +).

L’absence de comparaisons avec des dispositifs d’économies de consommation : il est impossible d’établir un comparatif entre le coût résultant de moyens visant à économiser la consommation et le coût résultant d’infrastructures visant à produire de l’énergie locale. Or, dans le dossier STEE, l’objectif prioritaire mis en avant est la réduction de consommation d’énergie d’environ 50 % entre 2015 et 2050 (or cette prééminence de la recherche d’économies est légitime, vertueuse et bénéfique aux usagers)

Au vu du coût estimatif du projet (115 à 300 M €),  il serait intéressant de connaître le prix d’une aide au financement des bâtiments type « passoires thermiques » et autres.

Quid de la « mise en musique » : Le distributeur et/ou le donneur d’ordre ne sera-t-il pas enclin à augmenter la quantité d’ordures à incinérer générant un flux de camions supplémentaires venant de départements limitrophes : plus de pollution, dégradation des routes, carburant pour les véhicules …

Dans cette  hypothèse, les politiques en charge de ce projet ne vont-ils pas à l’encontre d’un principe essentiel qui est de promouvoir une politique de moins de déchets ? Quid du cercle vertueux ?

Quid du pilotage du projet : le recours à une SEMOP éloignera inévitablement les élus des prises de décision. Divers exemples de dispositifs assez comparables (ex : Partenariat Public-Privé, même si ce n’est pas absolument identique) confirment la réalité de risques et de dérives non maîtrisées.

Le manque de transparence : Ce gigantesque projet a fait l’objet de peu de débats (euphémisme) en conseil métropolitain. Les observations formulées par certains élus (ex : LFI, PCF, MM. Vinzio, Pasciuto) ont été évacuées sans débat réel. Les citoyens sont en droit de s’interroger sur l’opacité et le manque d’informations.

Le coût et ses incertitudes : Evalué entre 115 et 300 millions €.  La fourchette (de 1 à 2,6) aurait dû susciter des questions et générer des réponses. L’écart est officiellement lié à l’étendue finale du réseau et de ses « bénéficiaires ». OK. Mais alors, il faut dire ce qu’il en est réellement et présenter quelques scénarii.

Exemple : l’intégration de l’ensemble du CHU représente quel coût ?.

Autre exemple : l’intégration de Beaumont (zone Cœur de ville) représente quel coût?. Ces réponses n’existent pas.

Finalement, le vote d’une enveloppe prévisionnelle comprise entre 115 et 300 millions d’€ par une majorité de membres du conseil communautaire a été émis sans réponse (voir sans peu ou pas de questions d’ailleurs) à ces questions élémentaires. Il est impossible de se contenter de belles paroles.

Qui va supporter les coûts ?

Le contribuable par l’impôt, bien évidemment. Faisons une rapide projection. Si le projet finit par coûter 290 millions € (hypothèse incluse dans la fourchette et quand on connaît les dérives habituelles, ce montant n’est pas aberrant), cela signifie un coût pour chaque habitant sur CAM  de 1 000 €. Ce montant très élevé (ex : pour une famille avec 2 enfants cela signifie 4 000 €) n’a jamais été évoqué.

Mais le coût sera aussi supporté par les « utilisateurs-bénéficiaires ». Car comme l’a dit un élu porteur du projet lors d’une commission plénière lors du pseudo débat avant le vote, à la question qui va payer, réponse : les utilisateurs ! 

Paroles choquantes car dans les utilisateurs,  des centaines de logements sociaux seront impactés et que les coûts peuvent ne pas être indolores pour ces derniers.  Paroles  erronées quand on observe l’impact financier pour tout citoyen de CAM.

 

Encadré 1 : Retours sur expériences

Au vu d’expériences de plus en plus nombreuses, locales, régionales ou nationales, la mise en place de telles chaufferies entraîne une hausse très significative du coût du chauffage dans le logement social.

Toutes les études sur la population logée en HLM démontrent que les locataires sont de plus en plus en situation précaire. Des hausses du coût du  chauffage de 20 ou 30 %, telles que nous les avons connues lors de la mise en place de la chaufferie urbaine sur les  quartiers nord de Clermont-Ferrand ou de Riom, ne peuvent être acceptées. (Alors même qu’une baisse de 10 à 15% avait été très officiellement annoncée, ne l’oublions pas).

Encadré 2 : Pourquoi l’habitat social risque de payer le prix fort ?

Que se passe t-il  avec l’installation d’une chaufferie urbaine chez un bailleur social?

Pour une chaufferie « classique » dont le bailleur social est propriétaire, les locataires paient dans leurs charges le coût de l’énergie (gaz), de l’électricité nécessaire pour assurer le fonctionnement, et le coût du petit entretien des installations. Le restant, c’est à dire les frais d’amortissement de la chaufferie commune et le gros entretien de ces installations sont financés par le budget du bailleur, c’est-à-dire par les loyers, dont l’évolution est maîtrisée.

Par contre, lorsqu’un bailleur social achète du chauffage à un prestataire privé dans le cadre d’une chaufferie urbaine, il est en droit de facturer la totalité du coût de ce qu’on appelle le réseau primaire aux locataires dans les charges locatives.  Ce coût inclut bien entendu : l’amortissement des installations de la chaufferie (bâtiments,  kilomètres de tuyaux, notamment si on récupère l’énergie dégagée par l’incinérateur, une usine ou autre… etc.), le gros entretien de ces installations. Le bailleur aura à supporter sur son budget moins de charges, mais, pour autant, les loyers ne seront pas réduits, bien que rien ne l’interdise.

Concernant les logements sociaux, les locataires n’ont pas leur mot à dire. Il en est de même dans le collectif privé non social. Dans les 2 cas, les locataires subissent.

Encadré 3 : Etat des lieux sur le territoire métropolitain

Aujourd’hui quatre chaufferies urbaines fonctionnent sur l’agglomération : Beaumont (Masage), Royat et deux sur les quartiers Nord. Pour ces dernières un autre projet est en étude pour un bouclage qui permettrait de n’en utiliser qu’une seule en période estivale.

Parallèlement, une extension se ferait jusque vers les lycées J. d’Arc, Blaise Pascal ainsi que vers la place du 1er Mai.

La Métropole avance les mêmes arguments que pour St Jacques+, à savoir la possibilité d’avoir comme client l’hôpital d’Estaing, CPAM, CRAM… mais ces administrations sont neuves et ont déjà des investissements colossaux  engagés.

Dans ce contexte, citons un exemple révélateur et récent (information parue dans La Montagne du 7 mars 2021): La filiale d’EDF (ENEDIS) construit son nouveau siège  sur ce périmètre (Cataroux) qui inclura un chauffage et climatisation par pompe à chaleur et panneau solaire. Ce qui signifie qu’ENEDIS ne rejoindra pas l’extension du réseau Nord.  Aujourd’hui la réglementation définit des objectifs inférieurs à 50Kwh/m2/an qui nécessite la mise en place de système de chauffage basse température. Un réseau de chaleur de 105°c pour une utilisation de 50°c semble aberrant. Comment penser que ce poids lourd de l’énergie se trompe en ne s’inscrivant pas dans ce réseau ? Ce n’est pas un perdreau de l’année !… Encore un client de moins ! Alors comment dans ces conditions croire que les coûts ne s’envoleront pas ?

Identiquement, sur La Gauthière une des usines Michelin qui représente 30% de la consommation d’une des chaufferies va se désengager.

Encadré 4 : des facturations différentes révélatrices de l’opacité du système

Dans les quartiers nord (inclus dans un tel système de réseau de chaleur urbain),  des associations ont observé des facturations différentes du même chauffage selon les bailleurs sociaux, Pourquoi ?

Le prix de vente à Michelin est moindre que pour les logements sociaux, pourquoi ? La complexité du dispositif renforce l’opacité. Rien n’interdit de craindre que de telles disparités existent aussi dans le parc géré par 2 syndics différents, voire entre immeubles.

 

 L’Atelier de Gauche du canton de Beaumont tire la sonnette d’alarme et donne des pistes

Améliorer le contexte énergétique. Nous demandons que la priorité fléchée par le STEE soit respectée et que la recherche d’économies soit la piste privilégiée. Nous demandons que, dans le cadre de la perspective de nouvelles sources de production d’énergie, toutes les opportunités soient étudiées, chiffrées, comparées et ce dans la durée.

Maîtriser cette amélioration. Nous demandons que les élus du conseil métropolitain gardent la maîtrise du sujet et travaillent le sujet sans a-priori mais avec le souci de la clarté pour toute la collectivité. Cela impose de cerner clairement les zones concernées, de chiffrer tout projet en fonction des bénéficiaires réels (et non putatifs) et des choix techniques étudiés et comparés.

Prendre en compte le contexte social. L’impact financier doit rester supportable. Il ne doit pas pénaliser tel ou tel. Au contraire, le volet social doit être intégré à tous les niveaux de réflexion, de décision et de suivi.

Associer les habitants et les instances représentatives. Il n’est pas admissible de s’en tenir au silence actuel ou à des discours tels que « nous savons, vous n’y connaissez rien, dormez en paix ». Inutile de tenir de beaux discours sur la démocratie participative, sur la proximité, sur la citoyenneté si ces termes sont oubliés comme ils le sont à ce jour.

 

Ce dossier est certainement lacunaire. L’Atelier de Gauche en est conscient. Vos suggestions, observations, critiques… sont essentielles. Nous attendons vos remarques et nous ferons le mieux possible pour instaurer des échanges. Le sujet paraît sans doute ingrat. Mais, pour autant, toute remarque, toute interrogation peut faire avancer le débat. N’hésitez surtout pas. Par avance, Merci

 

 

1 réflexion au sujet de « Chauffage Urbain : Projet  Réseau de Chaleur Urbain dénommé : RCU St Jacques +  (Réseau de Chaleur Urbaine Saint-Jacques +) »

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