La loi du travail (une synthèse en 4 parties) : la même philosophie

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La loi Travail applique de nouveaux principes (l’inversion des normes et la suppression de la disposition la plus favorable au salarié)  en réécrivant toute la partie du code sur le temps de travail en transférant sur les accords d’entreprise ce qui relevait de la loi, permettant que prospèrent autant de lois que d’entreprises, permettant également que des accords d’entreprise plus défavorables prévalent sur les accords de branche.

 

 

Le point essentiel du projet est celui de l’inversion des normes :

  • Jusqu’à présent, le droit du travail était basé sur la hiérarchie des normes. En raison de la subordination des travailleurs, la loi les protégeait en affirmant la primauté de la loi sur les accords de branche, et des accords de branche sur les accords d’entreprise. Selon le principe de faveur, les accords d’entreprise et de branche ne pouvaient prévoir que des modalités plus favorables aux salariés que les règles d’ordre supérieur. Ainsi, la loi empêchait les entreprises de trop utiliser le rapport de force face à des salariés en position de faiblesse.
  • Le projet de loi, suite aux exigences du patronat, inverse cette hiérarchie. Les accords d’entreprise pourront prévoir des dispositifs moins favorables aux salariés que les dispositions générales et que les accords de branche. Ainsi, faire primer les accords d’entreprise sur le droit du travail suppose que le patron et les salariés sont sur un pied d’égalité, qu’il n’y a pas de rapport de subordination entre eux. 

 

Déjà, la loi Macron d’août 2015 décrétait (nouvel article 2064 du Code civil) que, désormais, dans le règlement de leurs différends, un employeur et un salarié étaient à égalité et qu’en conséquence ils pouvaient, sans que le consentement du salarié soit forcé, décider de le régler par la signature d’un « libre » accord entre eux et que la signature entraînerait l’impossibilité pour le salarié de saisir les prud’hommes pour que justice lui soit rendue.

Le projet de loi El Khomri 2, en intégrant les dispositions du rapport Badinter dans un préambule au code du travail censé inscrire les grands principes directeurs du nouveau droit, achève le travail de destruction:

  • L’article 1 dit en effet que les libertés fondamentales peuvent être limitées pour le bon fonctionnement de l’entreprise. L’ensemble des articles n’évoque jamais « les » salariés mais « le » salarié, voire « la » « personne », façon de bien ancrer la fin des droits collectifs et la dissolution progressive du droit du travail dans le code civil. S’il est affirmé que les discriminations sont interdites, seule celle concernant les « convictions religieuses » est inscrite dans les principes. (Rappelons que la liste actuelle inclut en outre : l’origine, les opinions, l’âge, le sexe, l’état de santé, le handicap physique, les mœurs, la situation de famille, la grossesse, les caractéristiques génétiques, l’appartenance ou la non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, l’apparence physique, le nom de famille). Pire, sitôt rappelée, la liberté de religion peut être réduite si cela est justifié « par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché »
  • Après avoir ainsi réduit les libertés fondamentales, on apprend que le pouvoir de l’employeur n’a d’autres limites que celles-ci, là où le code du travail actuel affirme qu’il faut adapter le travail à la personne du salarié et non l’inverse. En ajoutant à la formulation actuelle que le contrat de travail « se forme de bonne foi » le projet de loi recopie l’article du code civil et ajoute une couche à la construction de la grande fiction d’une égalité entre l’employeur et le salarié. Il en va de même pour les formulations qui remplacent des droits quantitatifs par des appréciations générales qui pourraient être discutées de gré à gré : période d’essai d’une durée…« raisonnable » (CPE souvenir souvenir), préavis de licenciement également d’une durée « raisonnable ». Encore plus clair, le contrat de travail pourrait être rompu « d’un commun accord ». Volontaires pour être virés levez-le doigt. Quant à la démission elle aussi relève de la liberté, le salarié pouvant désormais « librement » mettre fin au contrat à durée indéterminée.

Le deuxième pilier du droit du travail (retenue de la disposition la plus favorable au salarié) est ainsi détruit : « La loi détermine les conditions et limites dans lesquelles les conventions et accords collectifs peuvent prévoir des normes différentes de celles résultant des lois et règlements ainsi que des conventions de portée plus large » et « En cas de conflit de normes, la plus favorable s’applique aux salariés si la loi n’en dispose pas autrement » et enfin « « Les clauses d’une convention ou d’un accord collectif s’appliquent aux contrats de travail. Les stipulations plus favorables du contrat de travail prévalent si la loi n’en dispose pas autrement ».

La loi prévoit que le Code du travail sera réécrit dans les deux années à venir par une commission d’experts. Dans chaque domaine, seront distingués trois niveaux : des règles obligatoires d’ordre public, le champ de la négociation collective et des dispositions supplétives qui s’appliqueront si la négociation n’aboutit pas. Cela permettra d’abaisser les protections des salariés, car les dispositions supplétives seront plus basses que les dispositions obligatoires actuelles ; elles pourront certes être améliorées par les négociations collectives, mais aussi, selon le rapport de force, être encore affaiblies.

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