Pas un jour sans qu’un média ne s’émeuve de l’épaisseur du code du travail.
Pas un jour où nous n’entendons pas le responsable d’un grand groupe nous dire que le code du travail n’est qu’un frein à l’économie si salvatrice au peuple français.
Pas un instant où l’un des membres du gouvernement ne nous explique qu’une réforme du code du travail est indispensable. Pour preuve, il est très épais !
C’est vrai, et c’est d’autant plus vrai que chacun y rajoute, quasi quotidiennement, son petit texte, sa petite touche personnelle et, pour finir, chacun veut le réécrire à sa façon parce que le prédécesseur en a trop abusé.
Aussi, après la fameuse simplification du code du travail, qui a permis de changer l’ordre des articles, d’en regrouper certains, d’en faire disparaitre d’autres depuis longtemps obsolètes et non utilisés, nous voilà bientôt à la veille d’un nouveau code du travail qui obligera les entreprises et acteurs du droit social à modifier leurs trames et habitudes sans changer fondamentalement le principe et les contraintes de la loi !
Nous sommes d’accord, le droit du travail n’est pas simple et c’est normal.
Chaque situation doit y être abordée, gérée avec les particularités de chacun et en prenant compte des capacités de chaque unité de travail, d’où l’effet des fameux seuils.
Bien sûr le code du travail est compliqué puisqu’il est issue d’une négociation permanente entre les partenaires sociaux, qu’il tient compte de la pression de l’opinion publique prenant la forme de sondages ou de manifestations et, donc, est complexifié par le système de la recherche de l’équilibre et du consensus.
Bien sûr ce fameux code du travail peut repousser voire rebuter un néo lecteur qui souhaiterait comprendre l’épaisseur de cette bible.
Mais la réalité est tout autre.
Nous sommes aujourd’hui face à une posture des syndicats patronaux et de quelques figures médiatiques qui prônent la « liberté d’entreprendre » alors qu’ils en appellent à L’État pour limiter l’ubérisation du monde du travail quand elle vient les concurrencer.
Parallèlement est servi le discours sur l’inflation des textes et celui de l’impérieuse nécessité de négocier au niveau de la branche voire de l’entreprise, c’est-à-dire de démultiplier à l’infini les textes en vigueur et complexifier l’application d’un droit dans un environnement où le dialogue social n’est pas le plus simple.
La conventionnalisation du droit du travail aura un effet inverse à la simplification attendue.
Prenons l’exemple du licenciement individuel. Un employeur décide de se séparer d’un de ses employés. Cet évènement majeur pour une entreprise se résume en un entretien et deux lettres. C’est tout !
Où est cette soit disant difficulté ? Dans le protocole de l’entretien, c’est au décideur de mener un entretien où le salarié doit être en mesure de se défendre, ou dans le formalisme de la lettre dans laquelle nous devons rappeler les faits, caractériser la faute et donner les conséquences de la décision prise par l’employeur.
Non il n’est pas difficile de licencier, c’est de justifier ce licenciement qui est complexe.
Autre exemple, le contrat de travail. Est-ce difficile de coucher sur le papier les conditions dans lesquelles l’employé devra exercer sa fonction ?
Est-ce totalement anormal qu’un contrat particulier soit à mettre en place lorsqu’il s’agit d’un contrat atypique parce qu’il faut préciser la durée du contrat ou la personne remplacée ou encore que le futur salarié aura des horaires différents du cas général ?
Enfin un dernier exemple qui semble donner beaucoup de démangeaisons, les représentants du personnel.
N’est-il pas sain pour une entreprise de gérer les relations avec son personnel par le biais des représentants légitiment élus, dans un cadre parfaitement normé, dans lequel la maitrise est plutôt du côté de l’employeur (maitrise du protocole, des informations, des échéances) plutôt que de devoir négocier avec des personnes qui ne représentent qu’eux-mêmes sans un mot d’ordre précis et stable et dont les intérêts peuvent être sujets à caution ?
Il suffit d’observer le déroulement d’un conflit pris en main par des coordinations et les difficultés sans fin pour obtenir un accord qui convienne à tous. Quelle valeur, qui pourra contrôler la mise en œuvre de l’accord, qui pourra le renégocier et le faire évoluer ou mettre fin à cet accord ?
La véritable problématique pour l’employeur n’est pas le droit du travail mais la manière dont les juges en contrôlent son application.
Il ne faut pas se mentir ou user d’une formidable hypocrisie, c’est la véritable hantise de l’employeur et de ses représentants.
Nous constatons, par ailleurs, que ce domaine est abordé dès l’ANI de janvier 2008, que différents projets de loi concernant cette problématique ont été présentés et le sont encore ce jour.
Le véritable enjeu est de limiter les pouvoirs du juge et faire en sorte qu’ils ne deviennent pas un autre législateur encore plus complexe à comprendre et incontrôlable.
La loi ne gêne pas mais c’est la vérification de son application faite par le juge qui fait peur.
Le fait qu’une personne (l’inspecteur du travail pour les licenciements économiques ou de représentants du personnel) ou une institution (les prud’hommes, Cour d’Appel ou de Cassation) puissent venir vérifier, contester et réparer une décision que vous avez prise en tant que responsable d’une entreprise est tout simplement difficile à accepter. D’autant plus que le droit fait abstraction de l’usage, des pratiques, du mode de fonctionnement relationnel de l’entreprise et, de ce fait, la décision prise en dernier recours ne peut qu’être incompréhensible pour celui qui perd.
L’un des premiers coups de canif dans le pouvoir du juge fut la rupture conventionnelle dans cet ANI de 2008 qui a sur-simplifier la rupture du contrat de travail et éviter le contrôle du juge.
Bien sûr, cette opération n’est ouverte qu’au salarié. Mais alors, pourquoi avoir prévu que l’indemnité à verser devait être au minimum celle du licenciement ? Ne serait-ce pas parce qu’on avait envisagé de l’utiliser à l’initiative de l’employeur ?
Les syndicats négociateurs ou/et signataires de cet ANI ont été particulièrement hypocrites et la DIRRECTE l’est tout autant parce qu’il ne serait pas difficile de déterminer les ruptures conventionnelles à l’initiative de l’employeur plutôt que du salarié. Ce sont au moins celles dont le montant est supérieur à l’indemnité de licenciement.
L’autre tentative est la limitation des conséquences des jugements par leur plafonnement pour mettre fin à une surenchère que l’on observe dans le montant des dédommagements ou de l’article 700.
L’ultime tentative est la conventionarisation du droit qui complexifiera le travail de la justice et le retardera encore plus.
Ces exemples montrent bien que le droit du travail n’est pas si compliqué que cela et ne demande pas une réforme en profondeur.
Non ce ne doit pas être le code du travail qui limite l’embauche dans les entreprises, puisque les représentants nationaux patronaux négocient en permanence avec les représentants syndicaux pour créer de nouvelles règles.
Le Code du Travail n’est que le reflet des valeurs constitutives de la France et les évolutions des mentalités (36, 68, 81 par exemple) ont un impact direct sur les grandes évolutions législatives.
Alors veut-on réformer le Code du Travail parce que cela est indispensable à notre économie ou faut-il profiter d’une modification de la pensée collective pour supprimer des droits et obligations ?
Mais attention…Ce n’est pas toujours l’autre qui a trop de droits et pas assez d’obligations….
Frantz DUBOISSET DRH de transition