La trouille de la Révolution ?

Jean OrtizDimanche, 17 Avril, 2016 – L’Humanité

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La sémantique sait mentir lorsque les classes dominantes s’en emparent, l’instrumentalisent.

Le sang dans les rues, l’échafaud, le couteau entre les dents… les révolutionnaires qui mangent les petits enfants, qui te prennent la ferme et tu dois la fermer, qui collectivisent tous tes biens et les moins biens, qui endoctrinent dès le berceau, qui te font réciter tous les matins la pensée du camarade en chef, « génie des Pyrénées » ou de Saints-Amants, d’Albine, des Rousses, d’Argelos, de la Mer du Nord, de Montcuq, de Palavas sans flots, de Saint-Justin, d’Aiguillon… L’horreur, « el horror », l’horreur absolue vous dis-je, et non absoute… (fin de délire)

Elle s’avance presque en s’excusant de prendre cette parole que «la société » refuse d’ordinaire aux jeunes. Elle s’accroche à son idée : elle « n’est pas pour la révolution » parce que « cela ne concerne que la trajectoire du soleil ». Elle a raison, mais elle évacue la polysémie des mots.

Dans le « Nouveau Petit Robert (sans ironie)» (ed. 1994) « révolution » a certes son sens premier « orbital », mais signifie aussi : « changement soudain… changement brusque et important dans l’ordre social, moral ; transformation complète », et suit sur le « petit Robert », encore lui, un grand nombre d’acceptions… En avant donc.
Comment est-ce possible que l’on ait pu introduire dans le cerveau de cette jeune fille une manipulation sémantique aussi vieille, aussi grossière ? La sémantique sait mentir lorsque les classes dominantes s’en emparent, l’instrumentalisent. Et elles ont (momentanément) gagné la bataille des idées, l’hégémonie culturelle. Comment donc reprendre l’offensive ? Répondre à cette étudiante ? Comment et pourquoi se réapproprier le langage de la révolution ? Pas de recette miracle ! Mais être là où il faut, quand il faut, comme il faut. Prendre les trains à l’heure. Le pire consisterait à aller dans le sens du cheveu, à planquer la tête dans le sable, à réitérer des stratégies d’opportunité, à refuser d’assumer nos responsabilités de révolutionnaires français.
Comment donc répondre à Virginie (pseudo) ? Il y a quelques années nous aurions pratiqué sans doute le « rentre dedans ». Que faire aujourd’hui pour convaincre ? Pas de bréviaire certes, mais assurément ne pas mettre notre identité à la poche, expliquer -sans asséner- jusqu’à plus soif, sans langue de plomb, et surtout rester en lien et « en jeunesse » avec Virginie. Rejeter les : « nous on sait », « tout cela ne va pas bien loin », etc.
L’agora paloise des « Nuits Debout » deux fois par semaine, sous les « gorras » (bérets), lorsqu’il pleut (jeu de mots béarniiais) s’apparente parfois à une séance de psychanalyse collective. Faut-il en rire, dire : « nous en 68… », ou réfléchir sur le ressenti de ce mal-être, sur son pourquoi, sa portée ? Ai-je raison, Liliane, toi qui chantes comme un rossignol ? Virginie veut un autre monde mais redoute la révolution. Grand écart insurmontable propice à toutes les déchirures ? Non, non, à mon humble avis de camarade communiste blogueur flinguant .
(Hors sujet : Je rêve de me présenter aux présidentielles ; je cultive par conséquent avec délectation mon flingantisme. D’ailleurs, que faire d’autre lorsqu’il pleut sur Pau ?)
Une petite pasionaria à l’assent de chez elle s’approche du micro, décidée, tonique… « Il faut agir dès maintenant !! » et elle invite à décider de déraciner quelques massifs de fleurs urbaines pour les remplacer par des pieds de tomates. A faire trembler le capitalisme !? Pas aussi farfelu que cela puisse paraître… La campagne à la ville ? Faire de pots un jardin ? Belle idée. A cultiver. A polir. Et puis : la plupart des tomates ne sont-elles pas rouges ?… Un peu d’humour éloigne de l’essentiel mais beaucoup y ramène : aucune prise de parole n’a loué, ni en langage fleuri ni en langue ordinaire, « le système », ni chanté les loups anges de la banda hollandaise, ni-na proclamé : « la France va bien » « Tout va bien, je vais bien…(plagiat) ». Quel culot qu’ils ont ces faussaires fossoyeurs! « Qué morro ! »  Quel affront aux livreurs de pizzas motorisés !
Nous ne vivons pas, mais pas du tout, dans le même monde que ces politicards transgéniques, hors-sol, faussement mazettes. « Leur « société » n’est pas la nôtre » (Marcos Ana).
Alors oui: plus et mieux de révolution, de politique : mais AUTREMENT, « autument », « de otra manera ». « ¡Y qué no jodan más ! ». Et qu’ils aillent…

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