Le toilettage ne suffit pas à nous faire accepter le projet de loi El Khomri. Décryptage point par point (suite)

Nouvelle image (7)Aujourd’hui, la médecine du travail ! (article 44)

l’article 44 de ce texte, intitulé « Moderniser la médecine du travail », suscite la colère de bon nombre de professionnels, qui y voient une dénaturation de leur rôle, un danger pour les droits des salariés et un désengagement de l’Etat.

Les analyses de la CGT et de la CFE-CGC

Pour la CGT :

Deux points du projet de loi El Khomri, sont particulièrement contraires aux fondements de la médecine du travail : l’avis d’aptitude sécuritaire et le recours possible du patronat aux prud’hommes contre les médecins du travail…

1. Sous prétexte de « sécurité des tiers », il prévoit un avis d’aptitude sécuritaire, qui ne relève pas de la prévention en santé au travail, mais d’une médecine de sélection, étrangère à la médecine du travail.

La sécurité pour les tiers (et de tout le monde) est bien entendu une nécessité, mais les connaissances acquises et l’évaluation de nos pratiques professionnelles montrent l’inefficacité des avis d’aptitude médicale pour la prévention des événements accidentels. Aménager les lieux et équipements de travail pour les rendre plus sûrs est une chose, c’est la responsabilité de l’employeur, et c’est le sens du code du travail. Exclure les salariés sous prétexte qu’il n’est pas possible d’aménager les lieux de travail en est une autre, et c’est toute la dérive que sous-tend ce projet de loi. Il vise la protection de la « sécurité juridique » de l’employeur, et non celle de la « sécurité physique » des salariés.

Non seulement ce dispositif, s’avérerait inefficace en matière de sécurité (physique), mais il détruirait l’action préventive pour la santé des salariés au travail.Cet accompagnement des salariés et cette médecine de prévention, nécessitant la confiance entre les professionnels de santé et le salarié, est totalement impossible si le praticien doit dans le même temps être le décideur d’une sélection sécuritaire. Cet aspect est d’ailleurs interdit par le code de déontologie qui reconnaît l’incompatibilité entre une médecine de prévention et une médecine de contrôle. D’autre part, l’introduction d’une notion de suivi particulier pour les salariés affectés à des postes « à risque » pour eux et les tiers, va induire une vision purement assurantielle et sécuritaire de la part des entreprises. Seule l’aptitude aux postes à risque va intéresser les employeurs qui seront demandeurs d’une fausse sécurité. Les salariés ne verront les équipes médicales que comme des agents potentiels de sélection.

2.Désormais, les employeurs ou les travailleurs devront engager une action devant les prud’hommes pour contester l’avis du médecin du travail et faire nommer des « médecins experts » dont l’avis se substituera à celui du médecin du travail, excluant l’arbitrage de l’inspecteur du travail en cas de désaccord. Le ministère du travail se désengage de la protection de la santé et du contrat de travail des salariés.

Les médecins du travail rendent aujourd’hui des avis sur l’inaptitude (ou l’aptitude) des salariés à occuper certains emplois, et des préconisations en matière d’aménagement du poste du salarié… L’employeur est obligé d’en tenir compte. S’il est en désaccord, il doit saisir l’inspecteur du travail, qui rend son avis après consultation du médecin inspecteur, (tous les deux connaissant l’entreprise). La même possibilité est offerte au travailleur.

Dans le cadre du projet, l’employeur peut faire nommer un médecin expert (qui ne connait pas l’entreprise ni les conditions de travail) pour substituer l’avis de ce dernier à celui du médecin du travail, qui aujourd’hui est le seul compétent à déterminer les liens entre la santé du travailleur et son travail. Ces litiges seraient désormais tranchés devant les prud’hommes, comme un problème individuel entre un salarié et son employeur. Ainsi, la santé et la sécurité des travailleurs passent de droits fondamentaux arbitrés par la puissance publique, à des droits individuels négociés avec l’employeur. La protection conjointe de la santé et du contrat de travail des salariés serait donc exclue du code du travail.

Nous exigeons le retrait de ce projet et de ces dispositions, d’autant plus que d’autres articles éloignent encore plus l’accès au médecin du travail pour les salariés : il prive ces derniers de la protection du code du travail. Il est propre à détruire toute relation de confiance entre le salarié et le médecin, en reportant sur ce dernier des responsabilités qui sont celles de l’employeur.

L’article 44, qui revoit le fonctionnement de la médecine du travail, met fin au dispositif actuel des visites médicale à l’embauche et aux visites bisannuelles.

« On transforme le médecin du travail de veilleur en pompier » a dénoncé sur France Info Bernard Salengro, président du syndicat des professionnels de santé au travail à la CFE-CGC.

Avec une visite tous les cinq ans, déplore-t-il,  » vous n’établissez pas une liaison, un contact » avec le salarié. « Le drame, c’est pour les gens qui ne sont pas dits à risque, c’est à dire les métiers du tertiaire, l’encadrement. Le médecin n’aura plus connaissance de leur vécu et ne pourra plus témoigner du burn out, du stress dans l’entreprise ».

Autre mesure critiquée: le fait que les visites puissent se faire auprès d’un membre du service de santé au travail et plus forcément un médecin. « Le médecin du travail est le seul à avoir la connaissance des pathologies, rappelle Bernard Salengro, et le seul à être protégé par loi par rapport à ce qu’il raconte, qui est parfois gênant pour l’employeur ».

Pour lui, le projet de loi comporte donc « tout ce qu’il faut pour que, dans cinq ou dix ans, la médecine du travail n’existe plus ».

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