OUVRONS LE DEBAT : La réforme territoriale et les services de l’Etat

Attention : cette note n’aborde que la fonction publique d’Etat (FPE). Ce qui signifie qu’elle ne concerne pas les agents territoriaux mais également elle exclut des personnes souvent assimilées -à tort- à la FPE, comme les salariés de la Sécurité Sociale, Pôle Emploi….voire ERDF, France Telecom….

Il est intéressant de noter que la réforme territoriale imposée à la hussarde, sans concertation ni réflexion préalable significative, a peu (pas ?) pris en compte le devenir réel de l’administration d’Etat et encore moins de ses salariés que sont les fonctionnaires.

Cela aurait pourtant été bien utile tant ces agents subissent de plein fouet une avalanche de modifications structurelles depuis une décennie. A la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) de N. Sarkozy a succédé la Modernisation de l’Action Publique (MAP) de F. Hollande.

Concrètement, la plupart des secteurs de l’administration d’Etat ont vu leurs effectifs bloqués, puis réduits. Dans le même temps, les réglementations à appliquer se multiplient et le nombre d’affaires à traiter croît. Si on exclut des données chiffrées les services de police et de justice (globalement épargnés par les mesures de restriction d’emplois), les réductions d’effectifs sont vraiment fortes et constantes.
Ce qui prouve que, contrairement aux idées répandues, l’efficience des fonctionnaires de l’Etat est réelle…. mais jusqu’à quand ?

Dans le même temps, et ce depuis 6 ans, la base de rémunération de ces fonctionnaires est bloquée. Rien. Le point d’indice (un fonctionnaire perçoit une rémunération liée à son indice) est figé depuis 2010. Alors même que les prélèvements obligatoires ont augmenté. Conséquence : le pouvoir d’achat des fonctionnaires d’Etat ne cesse de baisser, alors même que les rémunérations sont faibles (ex : un personnel de catégorie C, avec 35 ans de métier, perçoit un salaire net d’environ 1500 €/mois)
Ce n’est pas par hasard que les recrutements ne trouvent souvent pas preneurs car, à qualification égale, les rémunérations du public sont si peu attractives que les jeunes cherchent ailleurs.

Mais, encore plus que ces réalités (déjà dures à supporter), ce qui pèse lourdement sur les fonctionnaires d’Etat est le manque de lisibilité de leur travail, de leur quotidien, de leurs missions.Exemples :

  • A quoi sert un agent du ministère de l’agriculture ? A la vitalisation du monde rural ou à l’application de directives européennes ou à la validation de subventions sur l’opportunité desquelles son avis n’est pas sollicité ?
  • A quoi sert un fonctionnaire du ministère de la culture ? A accompagner l’existence d’une offre locale adaptée ou à tailler dans le vif pour limiter les subventions ? Un fonctionnaire doit-il valoriser sa connaissance des réalités locales ou être « noyé » dans un ensemble géographique sans cohésion.
    Déjà les fusions diverses et variées ont conduit à des « monstres » géographiques. Dans certains cas, on peut rencontrer des échelons territoriaux qui couvrent un espace allant de Brest à Yssingeaux, en passant par Poitiers et Orléans !Par expérience, on sait que l’extension de tels zonages est stérile (dans le meilleur des cas) et nocive (la plupart du temps) pour les raisons suivantes : baisse de la technicité par méconnaissance des réalités locales, perte d’efficacité par absence de contacts avec les décideurs locaux, diminution de la « rentabilité » par multiplication des déplacements… sans parler des risques liés à l’accidentologie et à l’écoeurement qui conduit au mal-être.

La réforme actuelle n’a pas envisagé ces aspects. En tous cas, elle les a évacués. Elle s’inscrit dans une démarche idéologique qui nie la spécificité du rôle du fonctionnaire d’Etat. Pourtant, diverses inspections générales ont pointé des aspects inquiétants. Quand on sait que ces structures internes de réflexion sont très conformistes, on ne peut que s’inquiéter des constats de 11 d’entre elles : absence d’objectifs affichés, manque d’évidence des futurs modèles administratifs régionaux, difficulté à faire émerger des modèles gratifiants.

Conclusions :
La France républicaine disposait d’un corps spécifique dont les qualités étaient reconnues et appréciées en particulier par les étrangers : compétences, efficacité, incorruptibilité, sens du service public.
Ces personnels bénéficiaient de rémunérations stabilisées, modestes mais compensées par une sécurité de l’emploi (gage d’indépendance)
Ces personnels étaient bien intégrés dans le tissu local (avec les avantages : connaissance du terrain, motivation).
Ces personnels pouvaient inscrire leur vie personnelle dans la durée (implication sociale, stabilité familiale, engagement social-culturel-sportif-associatif….)
Hélas ! Il est à redouter que les mesures imposées génèrent des effets très pervers : désintérêt, perte d’implication, méconnaissance des réalités locales, moindre efficacité, mutations contraintes….

Mais, en fait, n’est-ce pas aussi un des objectifs poursuivis ? Remplacer une catégorie socio-professionnelle efficace et indépendante par un agglomérat de contractuels individualistes mais « aux ordres » ?
A réfléchir……….

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