François Hollande voulait faire de son discours un chef-d’œuvre ; ce fut un exercice convenable qu’on sentait pourtant parcouru d’une fissure. Que retrouver en effet de la République sociale et de l’essor de la culture pour lesquels combattait Jean Zay dans la politique docile et libérale des gouvernants d’aujourd’hui ? Où trouver l’attention aux pauvres d’une Geneviève de Gaulle-Anthonioz ? Quelle trace de la passion intraitable de Germaine Tillion pour la liberté et l’altérité ? Quelle place pour leur attachement sourcilleux à l’indépendance nationale dans le grand large de la fraternité ? Le verbe présidentiel était semblable « à ces cratères où les volcans ne viennent plus, où l’herbe jaunit sur sa tige ».
Le chef de l’État a choisi des personnalités à honorer en excluant un pan essentiel de la Résistance, celui des communistes, et tombait donc à plat son envolée sur « l’histoire quand elle devient partagée » : il venait de la diviser.
Le Panthéon ne peut être traité comme une salle à places réservées, où ni la classe ouvrière, qui paya le plus lourd tribut à la Résistance, ni les immigrés, dont l’héroïsme est devenu légendaire, ne sont admis. C’est la condition pour que des destins donnent « à la patrie une destinée ». Nicolas Sarkozy l’avait hélas mieux compris qui avait mis en valeur la figure de Guy Môquet pour tenter de la manipuler.
À qui ce brouillard est-il nécessaire ? Pourquoi remodeler l’épopée de l’armée des ombres pour en biffer la trace de ceux qui portèrent le plus haut l’espérance que les sacrifices sous l’Occupation ouvrent une nouvelle ère de progrès pour tous ? Peut-être parce que, comme l’écrivait Hugo, « dans connaître, il y a naître », et que certains craignent toujours l’avènement « des jours heureux » programmés par le Conseil national de la Résistance.
Par Patrick Apel-MullerJeudi, 28 Mai, 2015 L’Humanité