Samedi 5 novembre, en partenariat avec l’Université Blaise Pascal, Le Centre d’Histoire Espaces et Cultures et Paroles de Bibs, l’Atelier du Front de Gauche a projeté à Beaumont devant une salle comble « LES CHEMINS DE LA MEMOIRE », documentaire de José Luis Peñafuerte, film inédit à Clermont-Ferrand.
Un documentaire qui donne à voir, à entendre et à vivre, la mémoire des vaincus, longtemps ensevelie sous la chape de mensonges de l’histoire officielle que les vainqueurs de la Guerre d’Espagne ont minutieusement élaborée et entretenue.
Sorti en 2009, il mêle images d’archives et images actuelles et arrive par une construction d’une grande perspicacité à aborder pratiquement tous les aspects de cette guerre, de son déclenchement en 1936 jusqu’à aujourd’hui.
La mise à jour des fosses va scander le film du début à la fin, tant se concrétise là, par tous ces corps qui ne sont plus que squelettes entremêlés, la vérité sur ce que fut le martyr des républicains espagnols.
Et la parole, celle des hommes et des femmes qui espèrent retrouver un proche, un frère, un père, une mère tués et enterrés là, se libère. Mais tous ne l’entendent pas .
Le plus dur est sans doute de constater que cette période est méconnue, ignorée voir rejetée par de jeunes adolescents espagnols à qui on n’a pas enseigné cette partie de l’histoire de leur pays. Un pays ou l’on continue à effacer les traces de cette guerre, où l’on détruit la prison de Carabamchel à Madrid, symbole de la répressions franquiste.
Comment s’étonner alors de voir dans une manifestation récente pro-Franco des jeunes bras tendus criant « Vive le Christ Roi, Vive l’Espagne! »
Après un tel documentaire, nous savions qu’il faudrait pour répondre aux questions de la salle une spécialiste , c’est pourquoi nous avions demandé à Caroline Domingues, maître de conférence en Histoire Contemporaine de l’Espagne à l’Université Blaise Pascal de bien vouloir se joindre à nous.
Les nombreuses questions qui lui on été posées, ont montré l’intérêt porté à ce conflit qui a marqué aussi notre pays .
Ainsi ont été abordés la politique de non intervention du gouvernement de Léon Blum, puis l’arrivée des réfugiés républicains , parqués dans les « camps du mépris », à Argelès, Saint-Cyprien, Barcarès, Sept-Fons, au Vernet… Et pourtant c’est en grand nombre qu’ils intégreront la résistance. Mais comme en Espagne, l’oubli : qui sait aujourd’hui que les premiers chars qui pénétrèrent dans Paris le 25 août 1944 étaient conduits par ces républicains espagnols ? ils étaient présents, en quelque sorte, ce samedi soir par l’ intermédiaire d’enfants et de petits enfants de réfugiés. Leurs témoignages émouvants ont montré à quel point ces évènements tragiques étaient proches de nous.
Pour conclure le mieux est de revenir au film et aux paroles de Georges Semprun : de nombreux espagnols pensent qu’il faut dépasser cette dramatique période pour aller de l’avant et tourner la page . Certes , c’est ce qu’il faut faire. Mais avant de tourner cette page, il faut la lire , la mettre en mots et en images , c’est le rôle de ce film. Il faut surtout avoir clairement à l’esprit que s’il est impossible de changer la nature humaine par contre il est possible de changer les institutions. Un système démocratique , respectueux des hommes, des femmes et de leurs aspirations , un système qui permet à chacun et à chacune de s’investir dans la construction de sa vie et de son environnement , un système émancipateur est un rempart efficace contre l’irruption et la propagation d’idées et d’engagements fascistes.
A quelques mois de l’élection présidentielle cette réflexion ne peut qu’éclairer les choix que nous aurons à faire.