un extrait d’un article de Mediapart intitulé « Retraites: le compromis avec la CFDT se fait toujours attendre… » : Des points non négociables dans le projet de loi

Par Romaric Godin et Ellen Salvi
…Interrogée sur le texte transmis au Conseil d’État, la ministre de la transition écologique et solidaire a déclaré, vendredi matin sur France Info : « C’est bien normal qu’il y ait un texte de travail […]. Clairement ce texte peut évoluer en fonction des concertations d’ici à la présentation en conseil des ministres le 24 janvier. » Le texte, a-t-elle précisé, peut aussi être modifié au cours du débat parlementaire, débat que le gouvernement a toutefois pris soin de verrouiller en amont. Contrairement à ce qu’Élisabeth Borne a laissé entendre, bon nombre d’éléments du projet de loi ne sont plus sur la table des négociations.
Parmi ces éléments figure le fonctionnement de la retraite par points. Comme le précise le texte en son article 55, la valeur de ces derniers « ne pourra pas baisser ». La valeur d’acquisition et de service des points évoluera chaque année « par défaut » comme le « revenu moyen par tête constaté par l’Insee, en moyenne supérieure à l’inflation » (article 9). Mais il y aura une période de transition et surtout ce même article 55 fixe une obligation d’équilibre du système universel sur une période de cinq ans, conformément à la proposition du rapport Delevoye.
Ce sera au conseil d’administration du SRU (Système de Retraite Universel) de jouer sur les paramètres pour parvenir à cet objectif. L’exposé des motifs rappelle les marges de manœuvre possibles : « Modalité d’indexation des retraites, évolution de l’âge de référence, revalorisation des valeurs d’achat et de service, taux de cotisation et le cas échéant, produits financiers de réserve. » Ces paramètres devront être ajustés chaque année pour respecter la trajectoire qui, par ailleurs, fait abstraction de la conjoncture.
Évidemment, le conseil d’administration sera soumis aux conclusions du « comité d’experts indépendants sur les retraites », créé par l’article 56 et inspiré du Haut Conseil aux finances publiques. Quelle que soit la situation économique, l’équilibre sur 5 ans glissant sera obligatoire. Au point que si le conseil d’administration ne prend pas les mesures, c’est l’État – via le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) – qui le fera. Cet article 55 est un des plus importants du projet de loi : il instaure un « pilotage automatique » financier du système par lequel tous les paramètres devront se mettre au service de l’équilibre financier. C’est ici la vraie fonction de cette réforme.
L’article 64, lui, renforce clairement la capitalisation dans le système français en ratifiant les ordonnances sur l’épargne retraite d’une autre loi : Pacte. Ces ordonnances permettent notamment d’introduire la faculté de transfert transfrontalier de portefeuilles de contrats, qui est une demande du secteur financier et notamment du fonds d’investissement étasunien Blackrock. Elle visera effectivement à pouvoir transférer les fonds vers des pays à la fiscalité plus avantageuse. L’épargne retraite peut donc échapper à la fiscalité française.
L’exposé des motifs de cet article précise clairement que « le secteur de l’assurance est appelé à se mobiliser afin que le recours à ces véhicules [développés par la loi Pacte – ndlr], se généralise et que l’économie française puisse ainsi bénéficier du dynamisme de l’épargne retraite généré » par cette loi. Autrement dit, le gouvernement revendique le caractère systémique de la baisse des cotisations et de couverture pour les salaires les plus élevés (entre 3 et 8 plafonds de Sécurité sociale), afin d’en faire une source de développement du secteur assurantiel.