Smart et le Code du travail

Bernard Stephan15 Septembre 2015

http://temoignagechretien.fr/articles/editorial/smart-et-le-code-du-travail

Les 800 salariés de Smart, filiale du groupe Daimler, se sont prononcés. 56 % d’entre eux, une minorité d’ouvriers, une majorité de cadres et de techniciens, ont choisi de dire « oui » à la proposition de leur direction : au lieu de travailler 35 heures, en faire 39 heures payées 37, en échange de la garantie de l’emploi jusqu’en 2020 et d’une prime de 1 000 €.

Le groupe Daimler n’est pas au bord de la faillite, il affiche même une bonne santé financière, mais comment résister à la tentation d’augmenter la marge bénéficiaire en demandant aux salariés de travailler gratuitement pendant deux heures par semaine ? On peut comprendre que l’épée de Damoclès du licenciement soit suffisamment menaçante pour que 56 % des salariés préfèrent donner deux heures de travail à l’entreprise plutôt que celle-ci décide de mettre fin à tous les contrats de travail.

Mais on aurait aussi pu imaginer que les salariés soumettent à référendum une alternative, dans cette période où le chômage atteint des niveaux records : diminuer leur temps de travail et embaucher en contrepartie des demandeurs d’emploi. Le sujet n’a même pas été évoqué tant le terme de progrès social est devenu obscène aux yeux des adorateurs dogmatiques de « la concurrence libre et non faussée ». Constater ce fait n’équivaut pas à prôner une économie administrée mais à chercher en quoi et surtout comment les actions pour le progrès économique, la justice sociale et la préservation de la planète sont des biens communs et peuvent se conjuguer en ne laissant personne sur le bord du chemin.

Au moment où s’amorce le débat sur la réforme du Code du travail, affirmer cette finalité conduit à tirer les enseignements du cas Smart. Laisser les normes sociales se construire par des négociations entreprise par entreprise, c’est émietter encore plus le cadre juridique du travail. En revanche, simplifier le Code du travail en affirmant des normes visant le progrès social et en obligeant syndicats et patronat à les traduire dans des négociations de branches serait une voie stimulante. Elle permettrait de prendre en compte les particularités des métiers, des secteurs, de la sous-traitance, de repérer les fragilités économiques et sociales et de chercher ensemble des compromis pour y remédier. Combiner intelligemment évolution économique et sécurité des salariés pour donner sens au travail est possible à condition que les syndicats unissent leurs efforts pour fédérer plus que les 7 % des salariés qu’ils rejoignent aujourd’hui.

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